Séance 1
Qu'est ce que la laïcité ?
Capacités travaillées :
ACTIVITé
Document 1 : déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789, intégrée au préambule de la Constitution du 4 octobre 1958.
"Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi" (art. 10).
Document 2 : constitution du 4 octobre 1958.
"La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances." (art. 2).
Document 3 : l’affaire du foulard islamique en 1989
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Consigne :
A partir des documents, identifie l’origine du problème du voile puis les différents points de vue. Enfin, décris l’évolution des décisions de l’Etat sur cette question. La forme peut être une carte heuristique ou bien un paragraphe organisé et argumenté. 3 parties devront être mis en évidence : -l’origine de la question du voile à l’école -un long débat -le règlement du problème en 2003/2004. |
Document 4 : Rétrocontroverse : 1989, la République laïque face au foulard islamique
L'affaire du foulard", c'est plus d'une décennie de débats. Tout commence en 1989, sur fond de bicentenaire de la Révolution française et de parution française des Versets sataniques de Salman Rushdie : le 6 octobre, le principal d'un collège de Creil (Oise) refuse l'accès de l'établissement à trois élèves musulmanes portant le voile islamique. Le ministre de l'éducation nationale, Lionel Jospin, décide de résoudre cette affaire par le dialogue.
Dès le 24 octobre, Guy Coq, membre du comité de rédaction de la revue Esprit, pousse un premier cri d'alarme dans les colonnes du Monde. Il réfute l'argument de la différence culturelle à respecter. C'est le maintien même de la tolérance qui "périrait si les diverses communautés religieuses entraient en compétition pour s'emparer de l'espace laïque de l'école, pour en briser l'unité, pour y manifester non pas l'esprit d'accueil pour chaque individu en lui-même, comme simple humain, mais le signe de la clôture de chaque communauté contre les autres".
Dans la même édition du Monde, l'écrivain Leïla Sebbar qualifie de "grotesque" cette "panique" et rétorque : "Même là où on pourrait croire que la tolérance, l'ouverture, l'intelligence s'exercent, (des) actes se commettent contre la liberté, dans l'arbitraire et l'intolérance. La laïcité oui, mais pas à n'importe quel prix. Trois foulards contre l'intégration de trois millions de musulmans en France." Les termes du débat sont posés.
Un jour plus tard, Alain Finkielkraut s'élève violemment à son tour contre cet appel à la tolérance et dénonce la "sainte alliance des clergés". Le philosophe s'insurge de voir les "soldats de Dieu" rejoints par les "bons apôtres de l'identité culturelle", ceux-là même qui, explique-t-il, retournent les droits de l'homme "contre l'école laïque et contre la culture comme monde commun", en confondant "droit de l'homme et droit des tribus", en sacrifiant le "monde commun des hommes à la plus haute valeur que connaisse notre siècle finissant : le respect de l'autre". A ses yeux, la "France républicaine" s'efface au profit de la "France tribale".
La semaine suivante, un appel (Le Nouvel Observateur du 2 au 8 novembre) signé par plusieurs intellectuels, dont les philosophes Régis Debray, Alain Finkielkraut et Elisabeth Badinter, dénonce le "Munich de l'école républicaine".
On voit ainsi s'élever un front néorépublicain, brandissant la menace des " dérives communautaristes" comme le pire ennemi de la République. Et l'islamologue Maxime Robinson de s'alarmer du "glissement de l'Etat unitaire vers l'Etat fédération de communautés", vers "le communautarisme". Le mot est lâché. Pour cet ancien communiste, orientaliste, la vigilance s'impose contre cette dérive nocive qui pourrait conduire "le nationalisme (ou nationalitarisme) de communauté (à remplacer) le nationalisme, le patriotisme de nation", le premier étant "bien plus nocif" que le second.
"La République fut toujours un combat" et le reste, juge bon de rappeler Jean-Pierre Chevènement. "L'école publique s'est imposée historiquement en France avec l'esprit de libre examen, contre la mainmise de l'Eglise sur l'éducation et l'esprit des enfants. Si d'autres formes d'obscurantisme se lèvent, l'esprit de libre examen reste aussi nécessaire aujourd'hui qu'hier à la République. Et par conséquent la laïcité". Celui qui créera trois ans plus tard le Mouvement républicain et citoyen (MRC) engage le combat contre ceux qui "cherchent à brouiller l'idée pour mieux la discréditer, en opposant à la vieille laïcité une prétendue nouvelle laïcité".
Mais, face à cette "Forteresse France" qui se sent menacée par "quelques foulards", pour reprendre les termes d'Alain Touraine, les tenants d'une ouverture ne sont pas en reste. "Est-ce intégrer les immigrés que d'interdire les réactions négatives à l'intégration alors que le plus important est d'éviter les ruptures dont les plus faibles paient le prix le plus élevé ?", interpelle Alain Touraine (Le Monde du 23 novembre). Et le sociologue d'ironiser sur ceux qui assignent à l'école la tâche de "rejeter, comme un conseil de révision, ceux qui ne sont pas conformes au modèle établi". Comme lui, Harlem Désir s'alarme du "retour en force" des "idées assimilationnistes". Pour le président de SOS-Racisme, on paie là "l'absence d'une véritable politique d'intégration", et c'est au contraire l'exclusion des élèves voilées qui fait le lit de l'intégrisme. "C'est parce que nous sommes pour l'émancipation de la femme que nous pensons qu'il est plus que nécessaire, pour ces jeunes filles en particulier, d'aller à l'école de la République, celle dont nous contrôlons les enseignements. Car, insiste Harlem Désir, la laïcité, c'est d'abord et essentiellement la maîtrise par l'Etat, et lui seul, du contenu des programmes et de la formation de maîtres."
Confronté à ce déclenchement de "passions" qu'il n'est pas loin de juger irrationnelles et incontrôlables, Lionel Jospin choisira de quitter le terrain explosif du débat idéologique et s'arrimera sur le terrain juridique en sollicitant le Conseil d'Etat. Le 27 novembre 1989, celui-ci rend un avis : il estime que le port de signes religieux à l'école " n'est pas, par lui-même, incompatible avec la laïcité", à condition qu'il ne soit pas "ostentatoire et revendicatif". Dès lors, précise-t-il, la décision de refus d'admission peut être prise, si besoin est, au cas par cas, dans le cadre des attributions normales des représentants de l'éducation nationale. Cet avis est jugé trop flou, notamment par les syndicats des chefs d'établissement scolaire (…).
Dès le 24 octobre, Guy Coq, membre du comité de rédaction de la revue Esprit, pousse un premier cri d'alarme dans les colonnes du Monde. Il réfute l'argument de la différence culturelle à respecter. C'est le maintien même de la tolérance qui "périrait si les diverses communautés religieuses entraient en compétition pour s'emparer de l'espace laïque de l'école, pour en briser l'unité, pour y manifester non pas l'esprit d'accueil pour chaque individu en lui-même, comme simple humain, mais le signe de la clôture de chaque communauté contre les autres".
Dans la même édition du Monde, l'écrivain Leïla Sebbar qualifie de "grotesque" cette "panique" et rétorque : "Même là où on pourrait croire que la tolérance, l'ouverture, l'intelligence s'exercent, (des) actes se commettent contre la liberté, dans l'arbitraire et l'intolérance. La laïcité oui, mais pas à n'importe quel prix. Trois foulards contre l'intégration de trois millions de musulmans en France." Les termes du débat sont posés.
Un jour plus tard, Alain Finkielkraut s'élève violemment à son tour contre cet appel à la tolérance et dénonce la "sainte alliance des clergés". Le philosophe s'insurge de voir les "soldats de Dieu" rejoints par les "bons apôtres de l'identité culturelle", ceux-là même qui, explique-t-il, retournent les droits de l'homme "contre l'école laïque et contre la culture comme monde commun", en confondant "droit de l'homme et droit des tribus", en sacrifiant le "monde commun des hommes à la plus haute valeur que connaisse notre siècle finissant : le respect de l'autre". A ses yeux, la "France républicaine" s'efface au profit de la "France tribale".
La semaine suivante, un appel (Le Nouvel Observateur du 2 au 8 novembre) signé par plusieurs intellectuels, dont les philosophes Régis Debray, Alain Finkielkraut et Elisabeth Badinter, dénonce le "Munich de l'école républicaine".
On voit ainsi s'élever un front néorépublicain, brandissant la menace des " dérives communautaristes" comme le pire ennemi de la République. Et l'islamologue Maxime Robinson de s'alarmer du "glissement de l'Etat unitaire vers l'Etat fédération de communautés", vers "le communautarisme". Le mot est lâché. Pour cet ancien communiste, orientaliste, la vigilance s'impose contre cette dérive nocive qui pourrait conduire "le nationalisme (ou nationalitarisme) de communauté (à remplacer) le nationalisme, le patriotisme de nation", le premier étant "bien plus nocif" que le second.
"La République fut toujours un combat" et le reste, juge bon de rappeler Jean-Pierre Chevènement. "L'école publique s'est imposée historiquement en France avec l'esprit de libre examen, contre la mainmise de l'Eglise sur l'éducation et l'esprit des enfants. Si d'autres formes d'obscurantisme se lèvent, l'esprit de libre examen reste aussi nécessaire aujourd'hui qu'hier à la République. Et par conséquent la laïcité". Celui qui créera trois ans plus tard le Mouvement républicain et citoyen (MRC) engage le combat contre ceux qui "cherchent à brouiller l'idée pour mieux la discréditer, en opposant à la vieille laïcité une prétendue nouvelle laïcité".
Mais, face à cette "Forteresse France" qui se sent menacée par "quelques foulards", pour reprendre les termes d'Alain Touraine, les tenants d'une ouverture ne sont pas en reste. "Est-ce intégrer les immigrés que d'interdire les réactions négatives à l'intégration alors que le plus important est d'éviter les ruptures dont les plus faibles paient le prix le plus élevé ?", interpelle Alain Touraine (Le Monde du 23 novembre). Et le sociologue d'ironiser sur ceux qui assignent à l'école la tâche de "rejeter, comme un conseil de révision, ceux qui ne sont pas conformes au modèle établi". Comme lui, Harlem Désir s'alarme du "retour en force" des "idées assimilationnistes". Pour le président de SOS-Racisme, on paie là "l'absence d'une véritable politique d'intégration", et c'est au contraire l'exclusion des élèves voilées qui fait le lit de l'intégrisme. "C'est parce que nous sommes pour l'émancipation de la femme que nous pensons qu'il est plus que nécessaire, pour ces jeunes filles en particulier, d'aller à l'école de la République, celle dont nous contrôlons les enseignements. Car, insiste Harlem Désir, la laïcité, c'est d'abord et essentiellement la maîtrise par l'Etat, et lui seul, du contenu des programmes et de la formation de maîtres."
Confronté à ce déclenchement de "passions" qu'il n'est pas loin de juger irrationnelles et incontrôlables, Lionel Jospin choisira de quitter le terrain explosif du débat idéologique et s'arrimera sur le terrain juridique en sollicitant le Conseil d'Etat. Le 27 novembre 1989, celui-ci rend un avis : il estime que le port de signes religieux à l'école " n'est pas, par lui-même, incompatible avec la laïcité", à condition qu'il ne soit pas "ostentatoire et revendicatif". Dès lors, précise-t-il, la décision de refus d'admission peut être prise, si besoin est, au cas par cas, dans le cadre des attributions normales des représentants de l'éducation nationale. Cet avis est jugé trop flou, notamment par les syndicats des chefs d'établissement scolaire (…).
Laetitia Van Eeckhout, Le Monde, 02.08.2007
Document 5 : 1994 : circulaire Bayrou
La circulaire ministérielle de François Bayrou recommande l'interdiction à l'école de tous les « signes ostentatoires, qui constituent en eux-mêmes des éléments de prosélytisme ou de discrimination ».
Document 6 : Le rapport Stasi
Le rapport Stasi est le rapport de la Commission de réflexion sur l’application du principe de laïcité dans la République. Il a été remis au Président de la République le 23 décembre 2003.
L’interdiction de "tenues et signes manifestant une appartenance religieuse ou politique" à l'école publique est proposée par la Commission. Celle-ci propose l’adoption d’une loi sur la laïcité, avec deux volets : l’un précisant les règles de fonctionnement dans les services publics et les entreprises, l’autre visant le respect de la diversité spirituelle. Pour l'école, la Commission fait une distinction entre signes religieux "ostensibles" qu'elle souhaite voir interdits (grandes croix, voile, kippa) et signes "discrets" (médailles, petites croix, étoiles de David, mains de Fatimah, petits Corans). Concernant le 2ème volet de la loi, la commission propose la création d’une école nationale d’études islamiques ainsi que l’instauration de deux nouveaux jours fériés pour les élèves des écoles publiques : les jours de Kippour (fête juive) et de l'Aïd-el-Kebir (fête musulmane).
L’interdiction de "tenues et signes manifestant une appartenance religieuse ou politique" à l'école publique est proposée par la Commission. Celle-ci propose l’adoption d’une loi sur la laïcité, avec deux volets : l’un précisant les règles de fonctionnement dans les services publics et les entreprises, l’autre visant le respect de la diversité spirituelle. Pour l'école, la Commission fait une distinction entre signes religieux "ostensibles" qu'elle souhaite voir interdits (grandes croix, voile, kippa) et signes "discrets" (médailles, petites croix, étoiles de David, mains de Fatimah, petits Corans). Concernant le 2ème volet de la loi, la commission propose la création d’une école nationale d’études islamiques ainsi que l’instauration de deux nouveaux jours fériés pour les élèves des écoles publiques : les jours de Kippour (fête juive) et de l'Aïd-el-Kebir (fête musulmane).
Source : La Documentation française, Rapport 2003 au Président de la République et au Parlement
Document 7 : Loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics.
L'Assemblée nationale et le Sénat ont adopté,
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :
Article 1
Il est inséré, dans le code de l'éducation, après l'article L. 141-5, un article L. 141-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 141-5-1. - Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit.
Le règlement intérieur rappelle que la mise en oeuvre d'une procédure disciplinaire est précédée d'un dialogue avec l'élève. »
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :
Article 1
Il est inséré, dans le code de l'éducation, après l'article L. 141-5, un article L. 141-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 141-5-1. - Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit.
Le règlement intérieur rappelle que la mise en oeuvre d'une procédure disciplinaire est précédée d'un dialogue avec l'élève. »